La représentation traditionnelle symbolique de la Grande Puissance Cosmique du Temps, KALI
La description de la Grande Puissance Cosmique Kali, telle qu’elle est révélée dans le texte Kalitantra, présente la déesse comme ayant la couleur de la peau comme celle d’un nuage foncé avant l’orage. Elle danse au-dessus du corps inerte et de couleur blanche de Shiva, cette représentation ayant la signification des deux aspects fondamentaux de la Réalité: d’une part, l’aspect statique et transcendant de la Conscience (qui est identifié à Shiva), et d’autre part l’aspect dynamique et immanent de la conscience (qui est identifié à la danse de Kali). Dans cette représentation iconographique, Shiva est blanc parce qu’il représente la lumière divine infinie et sans support (prakasha), il est inerte et immobile comme un cadavre (Shava), parce que, faute de l’action et du mouvement la Conscience, celle-ci est pure, homogène et compacte. Par contre, la danse de la Grande Déesse Kali signifie par excellence l’aspect dynamique et actif de la Conscience Divine dans la Manifestation, et la couleur foncée de la peau montre que dans les processus qui ont lieu dans la Création, Kali “dissout” tout, ce qui est associé à l’obscurité ou au vide existentiel.
Les différentes représentations de la déesse ont en commun les éléments fondamentaux, qui sont: le cadavre de Shiva, l’attitude glorieuse, la couleur noire etc., mais elles peuvent être différents en ce qui concerne les détails, qui constituent autant de nuances du rôle que Kali joue dans la Manifestation. Ainsi, dans l’une de ces images, la Grande Déesse est représentée dans une attitude imposante, méditant profondément et étant emportée par le nectar de la béatitude spirituelle infinie; elle se trouve au-dessus de la poitrine de Shiva, qui est allongé au sol dans la posture du cadavre (shavasana).
Kali est représentée aussi dans la posture de l’archer, ayant la jambe droite fléchie en avant, le pied sur la poitrine de Shiva, et la jambe gauche fléchie en arrière. Les deux images (tant celle de Kali, que celle de Shiva) sont figurées au milieu d’un centre de crémation de cadavres, la signification étant celle que tous les objets illusoires du monde sont finalement réduits en “cendre” à cause de leur combustion dans le feu terrible du passage du temps (le temps étant la modalité principale de manifestation de Kali dans la Création), ou que ces objets éphémères (matière, objets, êtres, phénomènes, actions) reviennent à leur stade primaire d’essence ou de synthèse causale originaire.
Comme d’habitude, dans cette représentation également, Kali a la couleur noire, étant ainsi la source de toutes les autres couleurs qui proviennent de l’abîme inconnu de la qualité fondamentale de maintien (tamas guna). Bien qu’ainsi cela soit aussi la façon de suggérer le fait qu’elle est associée aux profondeurs de l’occultation de la Conscience Suprême de Dieu dans la Création sous les formes les plus grossières de la matière et de l’action, Kali est en même temps entourée par une aura de lumière blanc-brillante qui ne provoque pas d’aveuglement ou de douleur aux yeux qui la regardent, mais par contre, les calme et les relaxe à cause de la nature profondément “rafraîchissante” de cette énergie (amrita), qui est comme la manifestation du nectar qui émane des millions de mondes subtils et spirituels.
Dans cette image, le cadavre de Shiva signifie le fait que le pouvoir de la conscience divine et inhérente même à la matière inanimée. Kali a la bouche largement ouverte et la langue sortie vers l’extérieur, représentant ainsi, symboliquement le geste (mudra) de la “consommation” de la Création entière. Mais en même temps, cet aspect terrible et épouvantable (pour ceux qui ne connaissent pas les significations ésotériques profondes de ces images) est doublé d’une attitude souriante de la Grande Déesse, qui regarde ainsi avec bonté et affection tous les êtres de la Manifestation et soutient leur vie et leur évolution en les nourrissant de ses seins immense de Mère Divine pleine d’amour.
D’autre part, le rire de Kali signifie aussi son attitude ironique envers tous ceux qui, ignorant les lois de l’harmonie et de l’équilibre macrocosmique, s’imaginent qu’ils pourront se soustraire à l’évolution spirituelle en tant qu’individus et en même temps en tant que parties d’un Entier unique et parfait. La Grande Déesse a trois yeux qui “surveillent” tous les mondes où se déroule l’activité dans les trois aspects du temps (trikala): passé, présent et futur. Dans l’une des mains elle tient un crâne dont le symbolisme est, d’une part, celle de réceptacle des mystères de la Création, des enseignements occultes et de l’origine des trois sphères principales de conscience (physique, subtile et causale), et d’autre part il représente de manière figurée ce qui reste après la destruction ou la dissolution du Macrocosme tout entier.
Dans l’autre main Kali tient une épée (khadga) qui a le rôle de symboliser le fait de couper les attachements du monde manifesté dans le but de la préparation de l’adepte pour l’acte de la libération spirituelle suprême. Il est de même intéressant de mentionner que les cheveux de la Grande Déesse sont longs, libres dans le vent, aspect qui signifie le pouvoir de la grâce totale de cette Grande Puissance Cosmique de conférer à l’être la libération des “chaînes” lourdes du karma dans la Manifestation. La bienveillance et la compassion de Kali sont de même soulignées par la position spécifique de deux de ses mains, qui réalisent les gestes d’éloignement de la peur (abhaya mudra) et d’offrande de certains dons spirituels et pouvoirs paranormaux (varada mudra).
La Déesse porte autour du cou un collier confectionné de têtes coupées des démons et de certaines entités maléfiques, certifiant ainsi la victoire totale et toujours présente du bien et de l’action juste dans la Création. Le corps nu est arrosé avec du sang, le sang qui coule des têtes coupées, et comme boucles d’oreilles elle porte les corps de deux cadavres humains.
Tout l’aspect terrible de Kali est amplifié par le sang qui coule par les deux côtés de sa bouche largement ouverte, qui, tel que nous l’avons expliqué antérieurement, signifie la “consommatioon” continue de tout aspect manifesté.
La nudité de la déesse nous indique de façon symbolique le fait que son pouvoir n’est limitée par aucun aspect de la Création et que, de même, la déesse est elle-même la créatrice de l’univers entier (Macrocosme), mais représente en même temps ses constituants (les objets, les êtres, etc.) qui le composent. Parfois, elle est représentée au-dessus de Shiva dans un acte amoureux inversé (viparita rati), qui indique le fait que mahavidya upasana [autrement dit, l’adoration pleine de ferveur et de dévotion de cette Grande Puissance Cosmique (Kali)] symbolise en essence le principe de la résorption de l’univers entier (prapancha) dans la conscience maintenant infiniment étendue de l’adepte, par la grâce de la Grande Déesse Kali.
C’est la représentation, complexe en significations, de la forme terrible de Kali, forme qui est connue sous le nom de Dakshina Kali ou Shyamakali.